
Le discours de Joseph Kabila, tenu vendredi 23 mai, n’aura pas laissé indifférent. Si certains saluent un retour politique maîtrisé, d’autres y voient une provocation mémorielle. C’est le cas du ministre des Finances, Doudou Fwamba, qui a vivement réagi, dénonçant une gouvernance passée marquée, selon lui, par une gabegie financière sans précédent et des violations graves des droits humains.
Un coup de gueule bien chiffré
« Quelle tragédie ! » lâche Doudou Fwamba, dans une publication relayée sur ses canaux officiels. Le ministre ne mâche pas ses mots : il évoque des actifs miniers bradés, des milliards de dollars en royalties offerts à des amis étrangers, et surtout, 350 millions USD de pas de porte de la société Tenke Fungurume Mining qui auraient été retirés de la Banque Centrale « pour une destination inconnue ».
Il parle aussi de fonds publics utilisés pour créer des entreprises privées familiales, un détournement qu’il qualifie de systémique. Ces accusations, bien que non nouvelles dans le débat public, prennent un poids particulier dans la bouche d’un haut responsable du gouvernement en poste.
Un passif sanglant
Doudou Fwamba ne s’arrête pas à l’aspect économique. Il rappelle également les nombreuses vies perdues sous l’ère Kabila, pointant les massacres des adeptes de Bundu Dia Kongo, de Mukungubila, de Kamwina Nsapu, ou encore les morts lors des marches pour la démocratie.
Ces faits, longtemps dénoncés par la société civile, sont ici resservis dans une logique de contre-discours à la tentative de repositionnement politique de Joseph Kabila.
La misère sociale comme héritage
Autre volet du réquisitoire : le social. Le ministre dépeint une époque où les enseignants touchaient 45 à 60 dollars par mois, où les professeurs d’université étaient abandonnés sans assurance ni perspectives, et où des sociétés publiques ont été démantelées au profit d’un clan familial.
Des mots forts, appuyés par des chiffres qui rappellent les années sombres d’un pays riche, mais longtemps saigné à blanc.
Un avertissement à peine voilé
En s’exprimant de manière aussi directe, Doudou Fwamba ne répond pas seulement à Kabila. Il envoie aussi un signal : la mémoire collective ne s'effacera pas facilement, et le pouvoir actuel entend défendre son récit de justice et de rupture.
Alors que l’ancien Président tente un retour dans l’arène, cette réaction marque peut-être le début d’un nouveau bras de fer politique où les bilans de gestion ne seront plus laissés à l’oubli.
Diddy MASTAKI