
Le mercredi 14 mai 2025, les habitants de Katogota, un paisible village situé à environ 70 kilomètres d’Uvira, ont commémoré avec douleur et recueillement le 25e anniversaire d’un drame sanglant qui a marqué à jamais leur mémoire collective. C’était un dimanche noir : le 14 mai 2000, plus de 300 civils y avaient été massacrés, un véritable carnage perpétré par les éléments du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, aile Goma (RCD-Goma), soutenus par l’armée Rwandaise.
Le souvenir reste vivace : des hommes, des femmes, des enfants… exécutés sans pitié. Certains tués par balles ou à la machette, d'autres brûlés vifs dans leurs maisons incendiées. La violence avait été aveugle, inhumaine, insoutenable.
Un massacre dans le contexte de la guerre
Ce massacre s’inscrit dans le cadre plus large de la Deuxième Guerre du Congo (1998–2003), parfois appelée la « Première Guerre mondiale Africaine » en raison du nombre de pays impliqués et de son lourd bilan humain plus de 6 millions de morts selon certaines estimations.
À cette époque, le RCD-Goma, un mouvement rebelle soutenu militairement par le Rwanda, contrôlait une grande partie de l’Est de la République Démocratique du Congo. Officiellement, les rebelles prétendaient traquer les miliciens Maï-Maï et les forces fidèles au régime de Kinshasa. Mais en réalité, des exactions de masse furent commises à l’encontre de la population civile accusée, souvent sans preuve, de collaborer avec l’ennemi.
Katogota en fut l’un des exemples les plus tragiques. Le 14 mai 2000, sous prétexte de punir la population locale soupçonnée d’avoir aidé les Maï-Maï dans une embuscade meurtrière contre les troupes du RCD-Goma, les rebelles se livrèrent à un massacre planifié. Les maisons furent incendiées avec leurs occupants à l’intérieur, des villageois traqués et exécutés dans les champs, les rivières, jusque dans les églises. Un déferlement de barbarie.
Une mémoire qui résiste au temps
Un quart de siècle plus tard, les plaies restent béantes. Chaque année, les habitants de Katogota organisent des cérémonies commémoratives, malgré les moyens limités. Des messes, des veillées de prière, des marches silencieuses et des témoignages ravivent la mémoire des disparus. À travers ces gestes de mémoire, les survivants réclament toujours justice, vérité et réparation.
« Nous n’avons jamais oublié, et nous n’oublierons jamais », confie un habitant du village, la voix nouée d’émotion. « Nos morts méritent que leur histoire soit connue, que leurs bourreaux soient jugés ».
Et la justice ?
Jusqu’à ce jour, aucun procès n’a été ouvert sur les événements de Katogota. Les responsables identifiés ou présumés n’ont jamais été inquiétés, certains ont même poursuivi des carrières politiques ou militaires. Le silence de la justice reste un affront à la douleur des victimes.
Des organisations de la société civile, tant locales qu’internationales, continuent de réclamer une commission indépendante d’enquête et des mécanismes de justice transitionnelle pour que les crimes de guerre commis dans l’Est du Congo ne tombent pas dans l’oubli.
Un appel à la reconnaissance
Le massacre de Katogota est l’un des nombreux épisodes oubliés ou marginalisés d’un conflit d’une ampleur inédite. Mais pour les habitants de ce village, il représente un moment fondateur de leur histoire contemporaine. Leur espoir ? Qu’un jour, le Congo regarde son passé en face, que les morts de Katogota soient honorés à la hauteur de leur tragédie, et que la justice, même tardive, finisse par triompher.
Diddy MASTAKI