
Tandis que la ville de Goma vit au rythme des incertitudes liées à l’occupation militaire du M23/AFC, un message diffusé récemment sur X (ex-Twitter) par le journaliste Rodriguez Katsuva suscite l’indignation. Dans ce texte, l’ancien reporter de Kivu 1 et cofondateur de Congo-Check devenu figure controversée de la communication numérique, décrit l’entrée du M23 comme une « libération » et se félicite de la mise en place d’un régime fiscal « simplifié », saluant la liberté retrouvée de travailler jour et nuit.
Les propos de Rodriguez Katsuva interviennent alors que lui-même mène une vie partagée entre Paris, Kigali et Goma; une ville actuellement sous occupation du M23. Loin des réalités brutales vécues par les habitants restés sur place, son message est perçu comme une tentative de légitimer une présence armée dénoncée par de nombreux acteurs nationaux et internationaux.
Depuis l’irruption des forces du M23/AFC dans plusieurs quartiers périphériques de Goma, des milliers de familles vivent dans la peur et l'incertitude. Les écoles fonctionnent difficilement, les structures sanitaires fonctionnent à peine, et les fonctionnaires ne sont plus payés. Les prix sur les marchés flambent, alors que les voies d’approvisionnement sont coupées ou contrôlées par les rebelles. Loin de la « libération » annoncée, la population endure une souffrance profonde et silencieuse. Elle est au même moment soumise à une taxation mensuelle à hauteur de 5000 FC par mois pour chaque ménage, en dépit de la situation socio-économique qui demeure instable depuis fin janvier dernier.
« Ce n’est pas parce qu’on autorise les motards à circuler jusqu’à minuit que la vie est meilleure. Beaucoup de familles n’ont plus rien à manger, les femmes accouchent sans soins, et des jeunes disparaissent dans des arrestations arbitraires. D'ailleurs, il n'y a pas des motos qui circulent au-delà de 20h à Goma », confie une habitante du quartier Katindo, sous couvert d’anonymat.
Des propos jugés blessants et dangereux
Pour de nombreux Gomatraciens, le message de Rodriguez Katsuva relève d’une propagande qui tente de légitimer une occupation armée. En qualifiant le M23 de force « lucide et intelligente » et en affirmant ne plus pouvoir les qualifier de « terroristes », Katsuva choque, surtout dans un contexte où des rapports d’ONGs et d’agences internationales documentent des exactions commises par ce mouvement, notamment des recrutements forcés, des pillages, et des violences sexuelles dans plusieurs localités du Nord-Kivu.
« Dire que ceux qui détournent l’argent public sont pires que le M23, c’est vouloir détourner l’attention des souffrances réelles que vit la population », dénonce un activiste local. Car celui lui : « On ne peut pas justifier une rébellion armée par les failles de l'État. Ce sont deux maux différents, mais aucun ne mérite d’être romantisé ».
Vers une fracture idéologique ?
Le message de Rodriguez Katsuva, partagé des centaines de fois sur les réseaux sociaux, révèle une fracture croissante dans l’opinion publique congolaise : entre ceux qui dénoncent l’inefficacité de Kinshasa et ceux qui rejettent toute tentative de légitimation des groupes armés. Dans cette cacophonie numérique, la voix des victimes semble étouffée.
Le Ministère de la Communication n’a pas encore réagi officiellement, mais des sources au sein des services de sécurité indiquent qu’une surveillance accrue des messages de propagande est en cours. Pendant ce temps, à Goma, les nuits sont longues, et les lendemains incertains.
Rédaction